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IVAN GOLL

(1891-1950)


Autoportrait d'Ivan Goll
Autoportrait.

     Né à Saint Dié-des-Vosges le 29 mars 1891, de son vrai nom Isaac Lang, Ivan Goll fait ses études à Metz et dans plusieurs universités allemandes.

    En 1913-1914, à Berlin, il participe au mouvement expressionniste. Dans un tract lyrique, Le Canal de Panama, le poète décrit la lutte des éléments contre l'homme et le percement héroïque du canal.

    De 1914 à 1919, il vit en Suisse et milite par ses écrits au sein du groupe pacifiste rassemblé autour de Romain Rolland et Henri Guilbeaux. Il y rencontre Claire Studer, journaliste et écrivain allemand, qui deviendra son épouse. A Zurich, il fréquente Arp, Tzara et Picabia. Dans un vaste poème, Le Requiem pour les morts de 1916, il nous fait entendre les hommes et les femmes souffrant de la guerre.

    Installé à Paris en 1919, le couple se lie avec des écrivains et des artistes, Malraux, Léger, Cendrars, Fels, Chagall, Delaunay ... Ivan publie des anthologies de poètes allemands et français. En 1924, il crée la revue "Surréalisme" et se brouille avec Breton et ses amis.

    Ses recueils de poèmes, ses romans, ses essais paraissent en France et en Allemagne. Parmi ses oeuvres théâtrales marquées encore par l'expressionnisme, Mathusalem ou l'Eternel Bourgeois est la plus connue.

    Dans ses chansons de Jean Sans Terre, il exprime sa solitude d'homme, de juif errant ballotté entre deux cultures.

    De 1939 à 1947, le couple s'exile aux Etats-Unis pour échapper aux persécutions nazies, vivant de journalisme et de littérature.

    Ivan Goll publie à partir de 1943, dans sa revue "Hémisphères" et dans les éditions du même nom, des oeuvres de Saint-John Perse, Césaire, Breton, Bosquet, Miller, Seligman ... et de jeunes poètes américains.

    La leucémie dont il est atteint à partir de 1944, l'exil loin de la France, l'explosion de la bombe atomique lui inspirent une oeuvre poétique au riche langage dans laquelle les forces chtoniennes, l'alchimie, la cabale, la désintégration de la matière tiennent une grande place.

    A son retour de France, il publie ses recueils de poèmes, définit sa conception artistique, le Réisme, et meurt le 27 février 1950 laissant un testament poétique Traumkraut (l'Herbe du Songe) qui sera édité par Claire Goll, de même que nombre de poèmes inédits.

    Claire Goll, décédée en 1977, a légué à la ville de Saint-Dié leurs manuscrits français, leur bibliothèque, leurs oeuvres d'art et leur mobilier.

   Une fondation Yvan et Claire Goll, créée sous l'égide de la Fondation de France en 1991, entretient la tombe des deux écrivains au Père Lachaise (en face de celle de Chopin) et délivre tous les deux ans un prix international de poésie francophone en association avec l'Alliance francophone.

Chagall
Portrait du couple
par Chagall


La Grande Misère
de la France


Nous n'irons plus au bois ma belle
Les lauriers sont coupés les ponts
Aussi : les arcs-en-ciel
Et même le pont d'Avignon

Jeanne d'Arc mortelle statue
Un peu de bronze ensanglanté
Dans cette France qui s'est tue
Ton coeur a cessé de chanter

Jeanne dans sa jupe de bure
Assise sous les framboisiers
Se prépare une confiture
Avec du sang de cuirassiers

La poule noire des nuages
Pond les oeufs pourris de la mort
Les coqs éplumés des villages
N'annoncent que les vents du Nord

Car l'aube avait du plomb dans l'aile
Et le soleil est un obus
Qui fait sauter les citadelles
Et les lilas sur les talus

Le ciel de France est noirci d'aigles
De lémures et de corbeaux
Ses soldats couchés dans les seigles
Ignorent qu'ils sont des héros

Ni Chartres, ni Rouen, ni Bruges
N'ont assez d'anges dans leurs tours
Pour lutter contre le déluge
Et les escadres de vautours
Taureau chassé des pâturages
Et du silence paternel
Devant la pourpre de l'outrage
Perd tout son sang au grand soleil

Il perd son sang par ses fontaines
Par ses veines par ses ruisseaux
Il perd son sang par l'Oise et l'Aisne
Par ses jets d'eau par ses naseaux

Les douze soeurs de ses rivières
Aux bras cambrés aux noeuds coulants
Dénouent leurs lacets et lanières
Pour se jeter à l'océan

Buvez buvez guerriers ivrognes
Les vins fermentés de la peur
Les sangs tournés de la Bourgogne
Les alcools amers du malheur

Les bières gueuses de la Meuse
Et les vins platinés du Rhin
Les sources saintes des Chartreuses
Et les absinthes du chagrin

Les larmes qui de chaque porte
Ont débordé sur le pays
Les eaux de vie et les eaux mortes
Grisantes comme le vin gris

Nous n'irons plus au bois ma belle
Les lauriers sont coupés les ponts
Aussi : les arcs-en-ciel
Et même le Pont d'Avignon.

Ivan Goll  
in "Poet's Message"


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