LE CORBUSIER ET SAINT-DIE

Novembre 1944. Tout le centre historique de Saint-Dié est dynamité, incendié. Une bonne part du patrimoine public et du patrimoine privé sont anéantis.
A la vue de ces façades béantes, squelettes amputés, puis des tas de pierre soigneusement alignés ne figurant plus du centre ville que son plan, mûrit alors l'idée chez Jean-Jacques Duval de faire appel à l'ami Le Corbusier, architecte déjà célèbre par ses réalisations, ses projets et ses écrits. Le maître, pressentant l'ampleur de la reconstruction en France, a longuement réfléchi pendant les années de guerre. Tout est prêt à être appliqué, des maisons provisoires aux villes nouvelles entières.
Nommé architecte-conseil de la ville, Le Corbusier élabore un projet révolutionnaire, associant maisons individuelles et habitat collectif, séparant les couloirs de circulation et les voies piétonnes dans un cadre de verdure où tous les déplacements ont été pensés de manière fonctionnelle. Le plan ci-dessous révèle notamment l'emplacement, rive droite, de grands ensembles espacés de 400 mètres !

Un projet si révolutionnaire ne pouvait avoir spontanément l'adhésion de la population et les opposants eurent beau jeu de manipuler l'information, publiant dans la Gazette Vosgienne une image caricaturale montrant dix tours serrées faisant ressembler Saint-Dié à Manhattan. Malgré les nombreux appuis officiels et l'enthousiasme de ses pairs, Le Corbusier fut finalement écarté au profit d'une solution plus traditionnelle qui préservait les intérêts des propriétaires et des entrepreneurs régionaux.

 

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 Saint-Dié peut toutefois s'enorgueillir d'avoir dans son patrimoine la seule usine construite par Le Corbusier, premier bâtiment édifié selon les normes du Modulor : l'usine Claude et Duval, située quai du Torrent. Dessinée en 1947, l'usine verte fut construite de 1948 à 1951. Elle fut un banc d'essai important pour la mise au point de dispositifs nouveaux (brise-soleil, polychromie) avant leur développement dans l'unité d'habitation de Marseille. 475 plans et coupes, dont beaucoup à l'échelle, ont été élaborés. Rien n'a été laissé au hasard, la moindre vis a été dessinée ! Pas un trou n'a dû être percé depuis la construction, ceux-ci ayant été prévus en suffisance pour suivre l'évolution de la construction.
Basée sur la théorie de la cité linéaire industrielle, elle obéit aux trois impératifs : soleil, espace, verdure. Modèle unique et exemplaire dans l'oeuvre de l'architecte, classée monument historique le 18 mai 1988, cette manufacture est étudiée dans le monde entier depuis les années 50 comme un classique de l'architecture mondiale du XXème siècle.

L'usine Claude et Duval est située quai du Torrent, dans le quartier de la cathédrale.
Seules les visites de groupes d'étudiants en architecture sont autorisées, mais la magnifique façade vaut le détour.

Pour en savoir plus sur le sujet, je vous conseille le site très détaillé de Francis Muller.